Fantasy Force - Arhon III

Arhon observait le combat qui faisait rage au-dessous de lui. La lutte était inégale et les défenseurs tomberaient bientôt à moins qu'une aide extérieure vienne les épauler, ou qu'une action divine se manifeste.
C'est dans cet instant où les assaillants devaient se sentir en pleine confiance, qu'il donna le signal de l'attaque à Shijuga et Kay. Les trois amis se mirent alors en mouvement. Kay lança un rayon mortel, sinon paralysant, vers trois cibles tandis que Shijuga et Arhon se laissèrent tomber sur deux brigands. Cinq des nouveaux adversaires tombèrent en quelques secondes, ce qui changea du tout au tout l'issue de la bataille. Les deux brigands restant s'empressèrent de détaler par une ruelle adjacente, bientôt suivis par les premiers surpris.

-- Belle petite bagarre. N'est-ce pas, capitaine Rauwind ? lança Arhon.
-- Arhon ! Vieille canaille ! Que fais-tu là ? répondit une des deux silhouettes qui s'avançaient vers eux. Tu me déçois beaucoup, tu sais. Vous attendiez une minute de plus et on se les faisaient, Marion et moi.
Le capitaine Rauwind avait l'air jeune pour son titre, mais en portait tout l'accoutrement. La veste de marin de bleu profond se mariait bien avec son pantalon blanc, son feutre et ses bottes noires. La femme qui l'accompagnait semblait sans âge et possédait les caractéristiques de la race Silène, à savoir des cuisses plus développées que les humains. Elle portait des vêtements de guerriers ornés de petites lames.

-- On avait besoin d'exercice, mes amis et moi, tu comprends. Au fait, je te présente Shijuga, il vient en vacances de l'Orient.
-- Enchanté, Shijuga ! C'est bizarre, votre nom me dit quelque chose…
-- Vous savez, les noms de mon pays ont des consonances similaires pour beaucoup d'occidentaux et nous avons l'habitude de… "baptiser" nos enfants avec le nom des héros ou personnages célèbres.
-- Vous avez sans doute raison. Hé sacripant, tu ne m'as pas présenté la charmante demoiselle !
-- Je m'appelle Kay. Je les accompagne depuis quelque temps.
-- Ravi de vous rencontrer ! Je suis le capitaine Rauwind, maître du navire Exocet. Passez me voir quand vous le voulez.
-- Bah, justement ça…commença Arhon.
-- Dis donc impoli, coupa le capitaine, je n'ai même pas présenté Marion !
-- Je peux le faire moi-même, répondit sèchement l'intéressée en toisant du regard le groupe d'Arhon. Je m'appelle Marion et suis le garde du corps attitré du capitaine. Je peux vous demander la raison pour laquelle vous avez tardé à vous mêler à l'escarmouche ?
-- Au début, vous ne vous débrouilliez pas trop mal. On ne voulait pas vous couper l'herbe sous le pied, répondit Arhon.
-- Allons, c'est du passé tout ça. Vous vouliez me voir, je crois. Nous rentrions justement au navire, vous me raconterez tout là-bas ! Mais au fait, où est mon cuisinier préféré ?
-- C'est justement de lui qu'il s'agit…dit gravement Arhon.


Le navire avait une apparence fidèle au nom qu'il portait. On aurait volontairement pensé qu'il traverserait un océan en quelques jours tellement sa coque était profilée. En contrepartie, sa taille paraissait minuscule en comparaison des autres navires amarrés tout à coté. D'ailleurs, ils ne l'avaient pas aperçu au premier abord car le pont supérieur de ses voisins était largement plus élevé que le sien. Shijuga estima qu'une vingtaine de personnes étaient nécessaires à sa manoeuvrabilité.
La cabine du capitaine n'étonna personne au niveau du décorum : des soieries et des tapis venus de pays lointains cachaient les murs et de multiples chandelles illuminaient la pièce. Kay se demanda si la pièce restait dans cet état une fois le bateau ayant pris la mer.

Ils s'assirent tous autour de la table en bois décorée de motifs marins.
-- Voilà, commença Arhon. Pour être direct, j'ai besoin de ton navire.
-- Il n'y a pas de problème si tu peux payer.
-- Je n'ai pas les moyens de te payer le voyage pour la simple raison que je ne sais pas combien de temps il va durer.
-- Alors, c'est dommage. Mais comme tu es un ami, je te propose de te déposer dans le port de ton choix de ce coté de l'océan.
-- Il me faut retrouver Sac d'os et tu es la seule personne que je connaisse capable de le rattraper.
-- Pas question ! Je perds déjà de l'argent en restant ici. Le commerce n'est plus ce qu'il était et les combines se font de plus en plus rares. Il faut que je paye mes hommes… et mes femmes, rajouta t-il après un coup d'œil à Marion.
-- C'est le Capitaine Krynaor qui l'a, dit Arhon comme si cela changeait quelque chose.

Les visages du Capitaine et de Marion se transformèrent en étonnement. Le navigateur ne dit rien mais regarda chacun des trois compères, comme s'il les jaugeait, puis il échangea un regard avec Marion. Deux minutes de silence passèrent avant qu'il ne reprenne la parole :
-- Ok, c'est d'accord mais sous quelques conditions.
-- Nous vous écoutons, dit Shijuga.
-- Il est une rumeur qui dit que Krynaor, que son nom soit mille et une fois damné, a un refuge caché quelque part dans cette partie de l'océan.
-- Ca fait grand, remarqua Kay.
-- Oui, mais j'ai recueillit quelques informations, fait quelques recoupement et je sais maintenant à peu près dans quel coin il se cache. Une fois l'expédition réussie, je veux garder le refuge pour moi et mon équipage.
-- Accordé, dit Arhon.
-- Et vous nous laissez, à Marion et moi-même, le soin de s'occuper du gredin.
-- C'est tout ? s'interloqua Arhon.
-- On partage le butin trouvé là-bas, répondit Marion.
-- Moitié pour vous, moitié pour nous, surenchérit Kay.
-- On est d'accord ? demanda Rauwind.
-- D'accord ! répondit Arhon. Quand partons nous ?
-- Demain soir, pour une croisière d'au moins deux semaines.


-- Déjà dix jours de voyage, pensa Kay. Elle ne goûtait pleinement la croisière que depuis peu. Elle avait en effet le mal de mer et aux tous premiers jours, elle passait son temps à vomir par dessus le bastingage.
-- Cela vous passera vite, lui avait dit le capitaine. Tout le monde doit subir cela, lors de la première traversée.
-- C'est vrai ? avait demandé Kay
-- Absolument pas ! et il s'était bedonné de rire.
Maintenant qu'elle était guérie, elle pouvait regarder le paysage, non qu'il fut exceptionnel : il y avait de l'eau à perte de vue, mais elle n'avait jusqu'alors jamais eu l'occasion d'apprécier la mer dans tout son ensemble.

Cela faisait quelques jours déjà qu'ils n'avaient pas croisé un seul bateau et elle commençait à s'inquiéter. Elle décida de demander à Rauwind leur position. Elle le trouva dans sa cabine, accompagné de Marion, Shijuga et Arhon. Ils parlait justement de leur destination lorsqu"elle arriva :
-- Tu tombes bien Kay, dit Shijuga, j'étais sur le point de venir te chercher. Nous devrions arriver dans quelques jours et on doit se préparer à ce qu'on va y trouver.
-- Et qu'en est-il ? répondit-elle.
-- Le repaire du sacripant devrait se trouver quelque part parmi ces récifs, dit le capitaine Rauwind en désignant un endroit sur la carte. D'après mes sources d'informations...
-- Pour la plupart des marins ivrognes et des vieilles prostituées, commenta Marion.
-- On trouve les informations où elles veulent bien se cacher, répliqua Rauwind. Je reprends : d'après certaines de mes connaissances… Marion étouffa un pouffement… ces récifs se seraient couverts de brume quelques temps après que l'autre abruti ai fait son apparition dans la région.
-- Tiens ! Et comment s'y est-il pris ? Il faudrait une machine colossale pour fournir une telle fumée ! s'étonna Arhon.
-- Une machine… ou un être vivant ! dit Shijuga en regardant droit dans les yeux le capitaine.
-- Non, il n'est pas magicien, je suppose ? demanda Kay à l'assistance. Devant l'absence de réponse, elle continua pour elle-même.
Je ne connais pas de non magicien assez puissant pour soumettre un dragon. Et même si c'était le cas, ce devrait être soit un dragon des mers, et on n'en a pas recensé dans cette région depuis des lustres, soit un dragon rouge, et je doute fortement que notre ami, pardon, ENNEMI, soit assez fort pour l'obliger à lui obéir.

Prise dans sa démonstration, elle n'avait pas vu qu'Arhon s'était transformé et toisait maintenant Rauwind avec colère.
-- Tu le savais depuis le début et tu ne nous as rien dit ! accusa t-il
-- Si je vous l'avais dit, vous ne seriez pas venus ! répliqua le capitaine. Maintenant que nous sommes là, voilà ce que je propose. Vous vous occupez du dragon, vous récoltez la gloire, les petites fleurs, nous nous occupons du pirate et on part tous contents.
-- Pas question, il nous faut quelque chose en échange. Le dragon est certainement plus dangereux que ton pirate.
-- Pas si fort !!! Les marins ne doivent pas savoir tout de suite. Bon qu'est-ce que vous voulez !
-- Laissez nous nous concerter quelques instants, demanda Shijuga qui se tourna vers Kay. Elle était blanche comme un linge et bégayait sans cesse quelque chose comme : "un dra…dra…dragon".


-- Je crois que nous avons une proposition pour vous, commença Shijuga.
-- Allez-y, rétorqua Rauwind.
-- On prend le Dragon et vous gardez le pirate MAIS on réparti le trésor part pour part.
-- Vous êtes trois et nous, cinquante !!!
-- Mais non, on partagera le magot en quatre. Une part pour vous et l'équipage et une pour chacun de nous, proposa Arhon
-- Hé, c'est pas dans mon contrat ! Je veux ma part, cria Marion.
-- D'accord, pas la peine de crier. On coupe la poire en cinq, ça vous va ?
-- Ouais, mais j'ai l'impression de me faire avoir, bougonna Rauwind.
-- N'oubliez pas que vous gardez l'île, suggéra Kay. Pensez à tous les avantages…
-- J'en vois surtout les inconvénients…
-- Si vous n'en voulez pas, je peux vous en débarrasser, proposa Shijuga
-- C'est très gentil mais je crois que je me débrouillerai, ironisa Rauwind

Il était tôt dans la matinée et le brouillard était là où on l'attendait, froid, humide, étouffant, bref une purée de pois. Tandis que le jour se levait, ils pouvaient apercevoir au loin une masse sombre qui occupait une partie de l'horizon, bien qu'on n'eu aperçu un navire à quelques lieues.

-- Hé, hé, ricana Rauwind. Le brouillard a ses avantages mais aussi ses inconvénients. Nous allons pouvoir nous faufiler discrètement vers l'île.
-- Ca me paraît trop calme pour être honnête, dit Arhon, on aurait au moins du tomber sur une patrouille ou quelque chose comme ça. Les rumeurs disent qu'on ne peut pas approcher à ce point de l'île sans se faire repérer.
-- Je sais mais j'ai renseigné indirectement, Krynaor sur les défenses de Styria, la ville commerçante.
-- Tu as fais quoi !!!
-- J'ai renseigné…
-- J'avais compris, coupa Arhon. Parfois, je me dis que tu es vraiment pourri jusqu'aux os.
-- Bien entendu, j'ai également pris la peine de prévenir la ville de l'attaque imminente de l'autre abruti.
-- Là, je ne comprend pas ! Je croyais que le bourgmestre t'avait fait un coup de crasse…
-- Oui, mais je récolte une somme rondelette si l'attaque est confirmée, sourit Rauwind. Et apparemment, la morue a mordu à l'hameçon.
-- Le poisson, répliqua Kay, l'expression correcte emploie le mot poisson.
-- Ouais, mais j'adapte les expressions aux personnes, si vous voyez ce que je veux dire, gente demoiselle.
-- Et que ferez vous pendant que nous nous occuperons du dragon ? demanda Shijuga toujours aussi perspicace.
-- On s'amusera avec les hommes restés pour surveiller, lui répondit Marion.
-- Bon, voilà le plan ! On vous débarque, vous vous occupez du dragon et nous des hommes et quand on aura récupéré Sac d'os, on s'occupera du navire de Krynaor.
-- Je croyais qu'il était parti en pillage, on aura fini bien avant qu'il ne revienne ?
-- Il est parti, il y a trois jours et devrait revenir dans la soirée.
-- Parfois, je me demande d'où tu tiens tes informations…réfléchit tout haut Arhon en toisant du regard Marion.
-- A chacun ses secrets !
-- J'espère que tu n'en as pas d'autres nous concernant !
-- Trêve de bavardages, il va être temps de débarquer.

Les trois comparses rigolaient à pleins poumons. Ils se trouvaient dans la caverne où le dragon était sensé se trouver. La salle étaient très haute et couverte d'un immense tas d'os au milieu duquel on pouvait deviner le squelette d'un dragon. Au fond de la caverne trônait la machine qui produisait le brouillard qui enveloppait l'île.

Arhon, Kay et Shijuga arrêtèrent leurs exclamations et décidèrent de détruire la machine. C'est alors que le squelette s'anima, déversant les nombreux os qui constituaient sa couche. Les aventuriers réagirent aussitôt en professionnels, bien qu'on pu distinguer une certaine hésitation de la part de la sorcière. Paradoxalement, c'est la boule de flammes qu'elle lança qui toucha en premier la créature dont la tête s'élevait à mi-hauteur de la caverne, tandis que les deux guerriers chargeaient.

Le projectile ne sembla pas affecter la créature qui dirigea ses attaques à l'encontre du nécromancien tandis que le ninja s'efforçait de trouver une position d'attaque optimum. Car bien entendu, ils s'étaient séparés afin de ne proposer qu'une seule cible au monstre.
Arhon esquiva tant bien que mal les assauts de plus en plus violents du dragon pendant que Shijuga s'évertuait à asséner des coups tout en évitant la queue de la créature.

Arhon commençait à s'essouffler lorsque les coups portés par Shijuga semblèrent avoir affaiblit l'une des pattes du dragon. Il risqua un œil vers Kay car elle n'avait pas montré signe d'existence après son premier sortilège. Il l'aperçu en pleine concentration et commença à plaindre le dragon de la puissance du sort qu'il allait recevoir.

Celui-ci dut lire les pensées d'Arhon car il dirigea sa gueule en direction de la sorcière et se prépara à souffler. C'est à ce moment que Kay ouvrit les yeux, fixa le dragon et prononça un mot. Un énorme rocher tomba de la voûte et s'écrasa sur le monstre. Arhon fut poussé hors de la zone d'impact par Shijuga qui se tordit la cheville. Mais le dragon avait eu le temps de lancer son souffle terrible et toucha Kay en pleine poitrine qui s'effondra immédiatement, inconsciente.

Analysant la situation et se rendant compte que le rocher n'avait eu d'effet que de paralyser pour un temps le dragon, Arhon décida de tenter sa chance. Il avait eu le temps d'étudier une partie du livre trouvé sur un nécromancien, lors de la dernière bataille. Il y faisait notamment mention d'un sort de dislocation d'êtres nécromantiques. Arhon ne savait pas si le sort fonctionnerait sur une créature de telle taille, mais cela valait le coup d'essayer.

Il s'approcha du dragon par un coté où le monstre ne pourrait pas l'atteindre avec sa gueule et prépara son sort. L'énergie que rassemblait Arhon crépitait dans l'atmosphère tandis que la créature se dégageait avec plus de ferveur. Elle était sur le point de se libérer lorsqu'Arhon lui toucha l'encolure et prononça à voix basse une phrase. Des tentacules noirs semblèrent sortir des ténèbres pour envelopper le dragon dans une forme rappelant une énorme gemme sombre. Aucun son, ni aucune lumière ne semblaient pouvoir sortir de ces ténèbres où avait disparu le gardien de la grotte.

La gemme se fracassa, laissant sur le sol des milliers de débris obscurs. En plein milieu gisait le squelette inanimé du dragon, les os disjoints et épars. Arhon s'écroula alors, le sort lui ayant consumé la plupart des énergies qui lui restait. Il respirait bruyamment et se rappela l'état de Kay. C'est à quatre pattes qu'il la rejoignit observant que Shijuga, à ses cotés, ne semblait pas inquiet de son inconscience.

-- Comment va t-elle ? réussit à demander Arhon.
-- Elle est inconsciente, mais je ne pense pas qu'elle soit en danger. Sa maîtrise de la magie semble avoir été suffisante pour dévier la plus grande partie des dommages.
-- C'est à ce moment que j'aimerais avoir Sac d'os sous la main ! Ses compétences en médecine nous seraient précieuses.
-- Hé bien tu peux encore attendre ! résonna la voix de Rauwind.
-- Tu as assisté au combat ? demanda Arhon.
-- Non, mais je vois que vous avez eu cette satanée bête.
-- Vous n'avez pas trouvé Sac d'os, n'est-ce pas ?
-- Mais un des sbires de Krynaor a parlé…
-- Et ?
-- C'est délicat à annoncer…non, non il n'est pas mort ! Enfin si on peut envisager qu'un squelette meure, mais…
-- Mais ? commença à s'énerver Arhon.
-- Voilà : il semblerait que Krynaor ait pris Sac d'os comme figure de proue sur son navire.
-- Quoi !!!
-- Il semblerait…
-- Ca va, j'ai compris !
-- Maintenant, le problème est de le récupérer "vivant", si je puis dire. J'avais prévu de couler le navire de Krynaor…
-- Pas de problème, il me suffit d'approcher suffisamment de Sac d'os pour récupérer son essence vitale et je pourrais toujours la transférer dans un nouveau corps. Je crois que l'endroit ne manque pas de matériel, dit-il en montrant le tas d'os.
-- Le navire de Krynaor devrait arriver dans quelques heures. Je vais donner des ordres afin qu'on vous apporte de quoi vous reposer et restaurer. Je ne pense pas qu'il soit très bon de bouger la petite.
-- A plus tard…répondit Arhon.
-- Crois-tu que nous aurons besoin de Kay pour la bataille ? demanda Shijuga.
-- Tu penses qu'elle ne sera pas guérit d'ici là ?
-- Je ne sais pas, mais si on la laisse là et que nous perdons…enfin, il vaut peut-être mieux pour elle de mourir au combat que de tomber aux mains de ces pirates…
-- Ne t'en fait pas, elle nous a de nombreuses fois montré ses capacités de récupération. Quand à la bataille, je connais Rauwind. Il ne se serait pas engagé dans cette galère s'il n'avait pas eu de chance de gagner !
-- Même pour aider un ami comme toi ?
Arhon ne trouva rien à répondre et entra en méditation.


-- Allez debout fainéant !
-- Ca va pas non ! On ne vous a jamais dit de ne pas brusquer quelqu'un en méditation ?
-- Je n'ai jamais vu quelqu'un ronfler pendant une séance de méditation !!
-- Kay, tu vas bien ?
-- Peut-être bien mieux que toi. Tu as l'ai épuisé.
-- hé ben, les apparences sont trompeuses, je suis au top niveau.
-- Le capitaine nous a appelé, le navire est en vue.
Les trois compagnons traversèrent les corridors de pierre jusqu'à une salle qui faisait office de tour de vigie. Ils trouvèrent le capitaine regardant l'horizon embrumé dans une longue-vue, Marion à ses cotés.

-- Tu ne dois pas y voir grand chose avec cette purée de pois, remarqua Arhon.
-- Détrompe toi ! Cette longue-vue permet de voir au travers du brouillard comme s'il n'existait pas et de plus sa portée est phénoménale ! Je comprends la difficulté qu'il y avait à passer au large de cette île. Bon, le navire va arriver et il nous faut partir si on veut respecter le timing.
-- De quoi parles-tu ?
-- Suivez-moi, je vous raconterai le plan en chemin.

Ils reprirent alors les couloirs de roche et leurs multiples embranchements qui permettaient de se perdre assez facilement dans l'île. Le long du chemin, Rauwind leur expliqua son plan et il avait terminé lorsqu'ils arrivèrent au navire, l'Exocet.

-- Ok, je comprends que tu veuilles prendre Krynaor par surprise en sortant précipitamment du brouillard mais c'est la suite que j'ai du mal à comprendre. Tu veux l'éperonner ?!
-- Comme je te l'ai dit.
-- Tu te rends compte de la taille de ton navire ? En tant que marin, tu sais que les poissons volants ne font pas long feu face à de grosses pièces et le navire de Krynaor en est une.
-- J'ai quelques atouts dans ma manche.
-- Pourrais-je les connaître, ces atouts avant de monter sur ce qui sera probablement mon tombeau ?
-- Regarde à la proue.

Arhon se dirigea vers l'avant du bateau et découvrit qu'un éperon à pointe moltonée y avait été rajouté.
-- Je croyais que tu voulais l'éperonner ?
-- Je ne suis quand même pas stupide. J'ai juste utilisé le terme, mais je compte bien lui rentrer dans le lard !
-- Je ne vois pas à quoi ça sert…
-- Il a regroupé ses hommes sur le pont, alors je compte les faire tanguer afin que la plus part passent par dessus bord.
-- Tu n'y arriveras jamais ! Tu sais la vitesse qu'il faudrait atteindre. Et puis ta coque ne sera jamais assez solide ! La dernière fois, on a bien faillit y passer !
-- Il faudra que vous me racontiez cela, dit Marion à Arhon.
-- Je serai également intéressée, surenchérit Kay
-- Bon bah, plus tard. Il serait temps qu'on parte.
-- Tu ne nous as toujours pas dit comment tu comptais t'y prendre…
-- Montez que je vous montre ma seconde carte.

Ils montèrent et le capitaine Rauwind donna des ordres de navigation avant de mener Arhon, Shijuga, Kay et Marion plus en avant dans le bateau. Ils descendirent jusqu'à la cale et près d'un panneau en bois à l'aspect anodin. Rauwind tira le panneau de bois qui révéla un levier.
-- Voilà le levier qui permet d'activer ma roue à Aubes.
-- C'est pas vrai ! Tu l'as fait ! Je te croyais bourré ce soir là.
Je l'étais, mais le lendemain, j'ai étudié la possibilité et voilà le résultat. Avec cette roue à Aubes, nous pouvons acquérir assez de vitesse pour ébranler son navire.
--Oui, mais le problème de la solidité de la coque n'est toujours pas résolue, remarqua Kay.
-- Il y a quelques temps, j'ai fait enchanter la coque par des prêtres du Bois et par des prêtres du Métal. Elle est très solide désormais. On peut y aller sans risques.
-- Pourquoi ais-je l'impression d'avoir déjà entendu ça quelque part…
La voix d'un marin sortit par un tuyau de cuivre à proximité : "Capitaine, nous sommes prêts. Vous pouvez activer la machine".
Le capitaine déboucha un tuyau similaire et répondit qu'il était prêt. Il abaissa le levier et aussitôt, une machinerie invisible se mit en route, produisant un bruit assourdi.
-- Remontons sur le pont à présent, proposa le capitaine. Je vous conseille de vous munir d'un cache-nez. Ca va décoiffer !

Au contraire des autres retours de pillage qu'il avait connu en compagnie du capitaine Krynaor, Ryll ne s'amusait pas. L'attaque de Styria ne s'était pas passée comme prévue : quelqu'un avait prévenu la ville et les pirates avaient subit une cuisante défaite. Il avait été blessé ainsi que de nombreux autres, mais plus que tout, le secret de la résistance légendaire du navire Amiral se dévoilait à quiconque s'en approchait d'assez près. Heureusement qu'il eut prit la décision du repliement avant que des navires soient suffisamment près pour le découvrir. Pendant le voyage, la réputation du navire avait suffit à éloigner les curieux.
Peu importe, ils étaient bientôt arrivés et le refuge contenait le matériel nécessaire à la réparation…
Ryll en était à ces réflexions lorsqu'il remarqua pour la première fois le bruit de fond, impropre à l'environnement maritime. Il tourna la tête à Tribord suffisamment tôt pour voir surgir de la brume un petit navire qui, comme un taureau en furie, fonçait sur eux avec un but facilement prévisible. Ryll eu juste le temps de se cramponner au bastingage et d'attraper une corde avant que le navire soit ébranlé.

Ils avaient réussit à surprendre Krynaor lors de son retour et fonçaient droit sur la coque composée en partie de bois et de métal. Avant de se cramponner définitivement, Arhon exprima des jurons qu'il vaut mieux ne pas retranscrire ici.

Le navire tangua fortement et beaucoup de marins, non préparés au choc, passèrent par dessus bord. Une fois le mouvement terminé, Ryll commença à lancer des ordres tandis que Krynaor sortait de sa cabine. Ce n'est que quelques secondes plus tard qu'il remarqua que l'équipage du petit navire avait eu l'audace de l'aborder. Ce n'était décidément pas sa semaine…

- A ton tour de réaliser ta part du marché, dit Arhon à Rauwind.
- Contente toi de délivrer Sac d'os, répondis l'intéressé.

Prendre le navire fut très simple car les marins qui ne furent pas passés par dessus le bastingage étaient assez secoués et blessés pour n'opposer que peu de résistance. Les assaillants profitèrent de l'occasion pour confiner les marins restés dans la cale en bloquant les issues tandis que Rauwind défiait Krynaor sur le pont principal. Comme dans tous les cas semblables, le vainqueur donnerait un sacré coup au moral des troupes adverses.

En tant que second de Krynaor, Ryll se demandait s'il n'était pas temps de prendre du grade, c'est à dire devenir capitaine à la place du capitaine. C'est pour cela qu'il ordonna une reddition. Les marins de son camp, ainsi que les marins adverses, le regardèrent avec stupéfaction. En effet, lors de la capture d'un bateau, si l'on savait que personne ne verserait de rançon pour le capitaine ou le second, les deux étaient passés par la planche. Et personne n'en verserait pour Krynaor ou Ryll, par contre beaucoup payeraient une récompense pour la tête du capitaine. Les chances de Ryll étaient donc bien minces.

Tous les marins du pont assistant au duel, l'occasion était trop belle pour Arhon de délivrer Sac d'os. Il le trouva en figure de proue dans un sale état. Des os étaient fracturés en plusieurs endroits et il lui manquait la jambe droite. Arhon délivra Sac d'os et alla assister au duel.

Krynaor faisait bien une tête de plus que Rauwind, déjà grand pour un demi elfe. Il maniait un cimeterre aux reflets bleus de taille impressionnante tandis que Rauwind avait un sabre veiné de blanc à la main. A chaque assaut des deux hommes, des halos multicolores éclairaient le pont tandis que chacun paraît ou attaquait l'autre. Le combat semblait à peu près égal même si l'on devinait une plus grande force du coté de Krynaor.

Le combat s'éternisa jusqu'à ce que Rauwind réalise une parade moins appuyée que les précédentes. Krynaor n'hésita pas à désarmer le malheureux dont le sabre glissa sur le pont, aux pieds de Marion. Il tenta d'achever Rauwind d'un coup puissant mais le fourbe avait déjà prévu l'attaque de Krynaor et esquiva le coup d'une cabriole que tout le monde aurait qualifié de "folie à tenter en pareil cas".

Cette esquive l'avait emmené à deux mètres de Krynaor et ne l'avait étonnamment pas empêché de dégainer un couteau équilibré qu'il lança avec précision. Le coup atteint Krynaor en plein milieu du front, à l'endroit où le cartilage est le plus fragile. Krynaor ne bougeait plus, le cimeterre encore en position basse, un filet de sang dégoulinant de la blessure et les yeux ouverts. Rauwind avait gagné et Krynaor ne pillerait plus de villes.

Une fois le compte-rendu de la bataille vérifié, Ryll fût emmené devant Rauwind pour sentence exécutive. Ce genre de verdict se rendait devant les marins assemblés pour l'occasion.
-- Qu'as-tu à dire pour ta défense, Ryll ? demanda Rauwind.
-- Juste que j'ai réussi la mission que vous m'aviez confié mon oncle !
-- C'est pas vrai ! Il faut toujours que tu mènes une entourloupe quelque part, s'exclama Arhon, tandis que des clameurs de surprise s'élevaient et que des chuchotements s'échangeaient.
-- Je te donne le navire de Krynaor ainsi que son cimeterre. Je pense que tu en feras bon usage.
-- Merci mon oncle.
-- Excuse-moi Rauwind, mais je serais pressé de rentrer au bercail pour réparer Sac d'os. Il doit être très malade, il n'a rien dit depuis que je l'ai secouru.

C'est à ce moment que Sac d'os prit la parole : "Vous vous imaginez la honte !!! Proue de navire !!! Heureusement que la plupart de mes congénères n'en saurons rien. Je vais rester traumatisé jusqu'à la fin de mes jours. Enfin…vous me comprenez, quoi !"
-- En attendant, j'espère que tu me mitonneras un de ces petits plats dont tu as le secret, clama Rauwind bientôt suivit de l'approbation des marins de l'Exocet.
-- Et bien, pas pour le moment, je lui réserve une surprise qui risque de l'indisposer pour quelques temps, dit Arhon.
-- Et on peut savoir de quoi il retourne ?demanda Kay.
-- Vous le verrez bien assez tôt !

Une fois les deux bateaux rentrés au port, Arhon se dirigea avec Sac d'os vers la salle ayant abrité le dragon et demanda à ce qu'on ne le dérange pas. Des heures s'écoulèrent avant qu'il ressurgisse avec le squelette nouvellement reconstitué.
-- Et comment t'y es-tu pris ? demanda Rauwind.
-- J'ai utilisé des matériaux qui se trouvaient sur place.
-- Tu n'aurais pas osé ? Si ?
-- Ils traînaient là ! Sans avenir…
-- Et depuis quand modèles-tu les os ? demanda Shijuga.
-- J'ai appris grâce à un livre trouvé sur un nécromancien dans une bataille.
-- Mais au fait, que comptes-tu faire de l'île ? C'est un peu trop grand pour toi et tes marins.
-- Tu te souviens du projet Résurrection, n'est-ce pas ?
-- C'est pas vrai, tu cherches toujours les embrouilles !!
-- Et pourrait-on savoir ce qu'est ce fameux projet "Résurrection" ? demanda Marion.
-- C'est un secret, s'exprimèrent de concert les deux personnages.
-- Allez, quoi ! Vous pouvez nous faire confiance.
-- On a promis de ne rien dire, éluda Arhon.
-- Et c'est le genre de promesse irrévocable, surenchérit Rauwind.
-- Quand nous ramènes-tu à IronCoast ? demanda Arhon.
-- Au moins dans une semaine, le temps de régler les choses par ici.
-- Très bien, comme ça j'aurais le temps de vaquer à mes occupations.
-- Qui sont ?
-- Tu es décidément bien curieuse, Kay. Tu le verras le moment venu.
-- Vous esquivez toujours les questions que l'on vous pose ? conclua Kay.