Fantasy Force - Arhon II

Cela faisait plusieurs heures qu'Arhon se battait. Il était au cœur de la bataille et cela ne plaisait pas à Kay. Les sorts de résurrections nécessitaient généralement une proximité minimum avec les corps à relever. Le nécromancien de l'armée adverse devait être débordé devant la multitude. La tactique opérée par l'équipe de mercenaire d'Arhon était simple, mais efficace : les magiciens pilonnaient les derniers rangs et Arhon s'arrangeait pour "les rallier à notre cause", comme il le disait souvent.

Kay était inquiète car la tactique, certes efficace en début de combat, devenait inutile et même dangereuse lorsque la mêlée était engagée. Les magiciens tiraient alors à vue. Heureusement pour Arhon, Shijuga avait pour mission de le protéger et sa protection était efficace.

Sac d'os, lui, contournait la bataille et s'arrangeait pour prendre la tête des squelettes nouvellement relevés. Les squelettes obéissent à la volonté de leur invocateur mais sont incapables de se battre s'ils ne sont pas correctement dirigés. La tâche de Sac d'os était donc de se débarrasser des commandants squelettes. Le nécromancien adverse devait constamment en invoquer d'autres.
C'est au signal de Sac d'os que Kay lança son sort. Elle protègerai Sac d'os grâce à un bouclier d'énergie. Celui-ci était arrivé au niveau du Nécromancien et le duel allait commencer. Les premiers sorts qui le frappèrent rebondirent sur la protection magique, ce qui lui permit de s'approcher davantage. Le Nécromancien délaissa alors ses invocations pour se préparer au corps à corps. Heureusement pour lui, Sac d'os n'était pas guerrier émérite et les deux protagonistes semblèrent de force égale.

Le combat durait depuis un moment et les mercenaires du groupe d'Arhon avaient déjà gagné la bataille, lorsque le magicien lança un sort en désespoir de cause. Le rayon vert inoffensif pour les mortels traversa le bouclier et frappa Sac d'os. Le magicien jubilait déjà en voyant les tentacules d'énergies entourer le squelette et qui le renverraient à l'endroit d'où il n'aurait jamais du sortir. C'est à ce moment que Sac d'os décida de frapper car instinctivement, le magicien abaissa sa garde.

-- Comment est-ce possible ? arriva t-il à baragouiner dans un dernier spasme.

-- Je ne puis être révoqué, répondit Sac d'os de sa voix d'outre tombe.

Un concert d'applaudissements retentit autour du lieu du duel. Les mercenaires victorieux avaient assisté à la fin du duel et félicitaient le vainqueur.

-- Si tu continues comme ça, Shijuga a du souci à se faire ! lui lança quelqu'un.
-- Il faudrait déjà qu'il prenne du poids, répondit l'intéressé.

Une fois le pillage de coutume effectué, les blessés et les mercenaires rentrèrent au camp. Le groupe arriverait sous peu à la ville côtière de IronCoast, terminus d'Arhon et de ses compagnons, comme leur contrat le spécifiait.

Cela faisait bien longtemps qu'Arhon n'avait pas été inquiet de l'absence prolongée de Sac d'os. Le petit groupe était arrivé dans la ville d'IronCoast depuis quelque temps et profitait des loisirs qu'elle fournissait. Sac d'os était partit au marché avec Kay plutôt ce matin afin de préparer pour le déjeuner, un "plat spécial pour un événement de même nature" et Arhon s'était creusé la tête afin de se rappeler de quelque chose qu'il aurait oublié. Il était déjà treize heures et Shijuga était partit à leur recherche depuis une heure.

La porte de la résidence claqua et Arhon descendit.

-- Où étiez-vous pass… Qu'est-il arrivé ? demanda Arhon en voyant Shijuga soutenant une Kay très amochée.

-- Lorsque je l'ai trouvée, elle arrivait à peine à marcher, raconta Shijuga. Je ne pense pas que Sac d'Os l’a abandonnée, donc il lui est arrivé quelque chose…

-- Et voilà, ça recommence ! Installe la dans sa chambre, je vais chercher un médecin.

Arhon revint très vite avec un elfe habillé d'une robe verte en charpie. La robe se révélait être, de plus près, composée d'étoffes en forme de feuilles.

-- Je croyais que tu étais parti chercher un médecin ? demanda Shijuga sans se formaliser de la présence de l'elfe.

-- Crois moi, les prêtres elfes de la nature sont parmi les meilleurs médecins au monde ! expliqua Arhon.

-- Si tu le dis.

Le prêtre s'approcha de Kay et l'examina. Il sortit très vite une fiole de la besace qu'il avait emmenée et en donna une gorgée à la malade.

-- Voilà, dit-il, qu'elle en prenne une gorgée matin et soir pendant cinq jours et elle sera rapidement sur pied. Elle a surtout reçu une blessure profonde que je vais soigner avec une plante, dit-il en joignant le geste à la parole. On parle d'une bagarre qui a éclatée tout à l'heure du coté du marché. Si j’étais vous j'irai m'y renseigner.

-- Comment savez vous qu'elle y était ? s'interloqua Arhon.

-- Elle ressemble pour beaucoup à une magicienne et on parle de son courage à travers la ville. Ils étaient tout de même une vingtaine autour d'elle et de son compagnon ! Rassurez vous, je ne parlerai pas aux autorités de notre affaire. Voilà, c'est fini. Vous lui referez son pansement avec ses plantes chaque jour.

-- Merci. Combien nous devons-vous ? demanda Shijuga.

- J'ai déjà été payé ! répondit le prêtre en glissant un œil discret à Arhon.

Arhon raccompagna le prêtre et trouva Shijuga le regardant d'un œil interrogateur.

-- La dernière fois que nous sommes passés, Sac d'os et moi, nous avons fait un séjour forcé chez ces prêtres. J'y ai laissé un bon pourboire en guise de remerciement.

-- Je ne te savais pas si riche et généreux.

-- En fait, je traquais des types qui m'avaient volé quelque chose et il se trouve qu'ils avaient également volé une relique du temple. Les prêtres m'ont soigné lorsque je leur ai rapporté l'objet.

-- Je comprends. Je te laisse, je vais chercher des informations quand à la disparition de notre cuisinier en chef.

-- C'est à moi d'y aller !

-- Premièrement, il faut que quelqu'un reste à surveiller Kay.

-- Oui, mais…

-- Deuxièmement, tu oublies que ma profession est espion.

-- Non, mais je connais la ville mieux que toi.

-- Troisièmement, je suis meilleur expert que toi en combat.

-- Tu oublies ta face de citron…

Shijuga passa prestement sa main devant son visage et Arhon eu devant lui un visage typiquement local.

-- Wouah ! Et pour tes mains ?

-- Je vais mettre des gants. A tout à l'heure.

-- Quand passeras-tu par la porte comme tout le monde ? demanda Arhon en voyant Shijuga se diriger vers la fenêtre. C'est une coutume orientale ?

-- Très drôle, je te la ressortirai.

Et il s'en alla.


Shijuga revint une heure plus tard, comme promis.

-- Tu n'as rien trouvé, affirma gravement Arhon avec désespoir.

-- Bien au contraire, je sais où ils le retiennent prisonnier.

-- Comment arrives-tu à ces résultats en si peu de temps ?

-- C'est mon métier, voilà tout ! Et puis les occidentaux ne savent pas y faire…Bon, on a un problème : ils sont nombreux ! Ils se planquent dans un entrepôt près du port. C'est une famille de malfrats locaux qui ont organisés le coup. Je n'ai pas réussit à savoir pourquoi.

-- Sûrement encore un Nécromancien avide. On y va quand ?

-- Demain soir, le temps de repérer les lieux.

-- Je vous accompagne, dit une voix derrière eux.

Ils se retournèrent et découvrirent une Kay en bien meilleur état qu'il ne l'avait laissée une heure auparavant.

-- Tu n'y pense pas, tu viens d'être sérieusement blessée, rétorqua Arhon.

-- Tu sembles oublier que j'ai suivi des enseignements de diverses académies. Je connais des rituels qui accélèrent grandement la guérison. Bien entendu, les soins prodigués par le prêtre y sont pour beaucoup, dit elle avec un air de défi.

-- C'est d'accord, dit Shijuga.

-- Quoi !tu cautionnes sa décision ?! répliqua Arhon.

-- Elle a droit de faire ce qu'elle veut, non ? Et puis elle assurera nos derrières.
Ne trouvant rien à y redire, Arhon bougonna.


L'entrepôt semblait désert, mais les trois comparses savaient qu'il n'en était rien. Après maintes discussions, la tactique adoptée consistait à faire partir un feu tandis que Shijuga délivrerai Sac d'os en passant par les toits qu'il affectionnait. Shijuga serait aidé par une bulle de protection que lui fournirait Kay depuis un toit voisin. La tâche d'Arhon était de faire partir le feu et il y avait travaillé toute la journée.

Le bâtiment possédait deux entrées. La première donnait sur la rue, tandis que la seconde permettait d'entrer des marchandises par la mer. Bien que l'édifice se trouvait dans une zone de grande activité portuaire, le travail semblait s'interrompre autour du bâtiment.

Karl était de garde ce soir là. La journée avait été mouvementée et une quinzaine de gars s'étaient retrouvés à l'hospice. Il faut dire que le commanditaire les avait prévenus que la tâche serait ardue, mais à dix contre un, il n'aurait pas imaginé un tel carnage. L'essentiel était qu'ils avaient récupéré la marchandise.

Il en était à ces réflexions lorsqu'il aperçu un frêle esquif qui se dirigeait vers l'entrepôt.

-- Hé, Hylaryoth ! Y'a comme un problème, appela Karl.

Hylaryoth était le chef de la section de nuit et un homme plutôt penché à l’action, ce que ne démentait pas son physique. Il se baladait toujours armé de ses deux coutelas qu'il n'hésitait pas à montrer aux cibles de ses colères.

-- Qu'est-ce qu'y s'passe, répondit l'intéressé en s'approchant du garde.

-- Y'a une barque qu'y s'rammène.

-- Hé ben on va voir ça.

La barque accostât au ponton et un homme d'une quarantaine d'années descendit du bateau.

-- Bonjour, j'viens livrer des caisses, annonça l'homme d'une voix grave.

-- On a rien commandé répondit calmement le chef de section.

-- C'est bien l'entrepôt Filleni, non ? hé bien, j'ai une commande pour vous., dit-il en désignant les caisses et en sortant un bout de papier.

Hylaryoth étudia le parchemin et répondit :

-- Mouais, ça m'a l'air correct. Qu'est-ce qu'il y a dans les caisses ?

-- J'en sais rien, moi ! mon boulôt, c'est la livraison !

-- Bon alors on va les ouvrir et y jeter un œil.

-- Pas si vite ! Signez mon papelar d'abord ou je risque de me faire engueuler, moi !

-- Ok, ok !

Une fois le papier signé, la première caisse ouverte par deux hommes révéla des bouteilles alignées sur cinq profondeurs.

-- C'est bon, c'est ce qu'il vous faut ? demanda le livreur.

-- On doit vérifier le reste.

-- Ouais et si vous les refusez, je devrais toutes les remettre dans la barque tout seul ! Pas question.

-- Ok, le vieux ! dit Hylaryoth en dégainant ses coutelas favoris et en s'approchant du livreur. Mais à la moindre entourloupe, tu y passes. Déchargez les caisses et vérifiez le contenu.

-- Faut pas s'énerver, je fais que mon boulôt ! Bon, je me tais dit-il devant le regard de l'autre.


Les caisses déchargées et vérifiées étaient toutes identiques à la première.

-- Ok les gars, mettez-moi ces cinq caisses au fond de l'entrepôt. Tiens, voilà pour toi dit-il en lançant quelques pièces au livreur.

-- Merci bien, à la prochaine répondit l'intéressé.

-- Ca risque pas bougonna pour lui même le chef.

Arhon avait observé la scène depuis le bâtiment sur lequel il se trouvait en compagnie de Kay.

-- C'est bon pour les caisses, où se trouve Shijuga ? demanda t-il.

-- Il est prêt répondit Kay en désignant une forme immobile sur le toit de l'entrepôt.

-- Alors j'y vais.

Arhon joignit ses mains et se concentra à la recherche mentale des caisses. Lorsqu'il les trouva, il activa les runes qu'il avait gravé sur le cachet en cire des bouteilles. La puissance dégagée par ces runes était suffisante pour casser les bouteilles et y mettre le feu, surtout lorsque l'on savait que la plupart contenaient de l'huile.

Une grande lueur orangée se dessina rapidement dans l'entrepôt et on pouvait deviner les hommes luttant contre l'incendie. Lorsqu'Arhon regarda autour de lui, Kay était concentrée et Shijuga était déjà entré dans le bâtiment.
Des hommes au regard désespéré quittaient le bâtiment tandis que des badauds se regroupaient déjà afin de contempler le sinistre. Cela faisait déjà un quart d'heure que le feu avait été déclenché et Kay se concentrait toujours. Arhon se demandait si elle tiendrait le coup. Les flammes léchaient déjà les murs extérieurs de l'entrepôt et Shijuga ne revenait toujours pas.

Arhon se demanda s'il arriverait à localiser Shijuga comme il le faisait avec les caisses. Comme ils étaient en relative sécurité sur le bâtiment, Arhon décida de tenter l'expérience. Pour trouver les caisses, il se déplaçait mentalement vers elles jusqu'à les toucher par l'esprit. Il tenta la même chose, mais en se focalisant sur le portrait de Shijuga. Il toucha bientôt une conscience et entendit une voix avec une telle netteté, qu'elle aurait pu être prononcée tout à coté de lui :

-- Ce n'est pas le moment de rêvasser ! Tu dors où quoi ?
Arhon rompit le charme se disant que c'était trop beau pour être vrai : il avait réussit du premier coup. Sa joie s'éteint très vite lorsqu'il vit Shijuga et Kay le dévisageant lorsqu'il se retourna.

-- C'est bon, on peut y aller ? demanda Shijuga avec impatience.

-- Et où est Sac d'os ? demanda Arhon

-- Je te dirais tout de retour à la maison.

-- Comment ça vendu à des pirates ? s'exclama Arhon.

-- C'est ce que m'a dit le gars que j'ai attrapé dans la maison. D'ailleurs, ces documents le confirment, dit Shijuga tandis qu'il tendait à Arhon une liasse de feuilles jaunies.

-- Le Capitaine Krynaor !!! Il ne manquait plus que lui ! C'est l'un des plus dangereux pirates dans ce coin du monde.

-- Sait-on pour qu'elle raison les pirates ont achetés Sac d'os ? demanda Kay. Que l'on ne me dise pas qu'ils ont besoin d'un nouveau matelot ?

-- Tu vas rire ! commença Shijuga. Enfin, peut-être pas, rectifia t-il ayant jeté un coup d'œil à Arhon. Ce sont les matelots qui l'ont achetés pour l'anniversaire du capitaine.

-- Incroyable ! lança de dépit Arhon.

-- Par contre, tu avais raison pour le nécromant. Le commanditaire originel était un magicien qui a voulu entourlouper les bandits. Ils lui ont fait la peau.

-- Bien fait pour lui, répondit Arhon.

-- Au fait, je vous ai ramené des cadeaux, lança Shijuga.

-- Tu crois vraiment que c'est le moment ? répondit Arhon.

-- Voilà un livre. J'espère qu'il te servira. Et Shijuga tendit un livre à Arhon qui s'empressa de le consulter.

-- Et pour toi ces modestes boucles d'oreilles, renchérit l'espion qui tendit à Kay des bijoux d'une parure exceptionnelle.

-- J'adore !!! Merci beaucoup !!

-- Ta bulle me fut précieuse dans la fournaise du bâtiment, c'est le moins que je puisse faire.

-- Alors qu'est-ce qu'on fait pour Sac d'os, Arhon ? demanda Shijuga.

-- Hein, répondit-il en levant la tête de son nouveau livre. Ha. Oui. On cherchera un bateau demain pour les suivre et leur reprendre.

-- Mais on ne sait même pas dans quelle direction ils sont partis ! répliqua Kay en dévisageant ses bijoux de plaisir.

Arhon sortit de sa poche une boîte ronde pour toute réponse et se replongea dans sa lecture.

-- Tu pourrais nous expliquer, tout de même ! demanda Shijuga.

-- Ceci est une boussole, répondit Arhon sans décoller la tête du livre. On m'a tellement de fois volé Sac d'os que je lui ai collé une pastille qui indique sa direction à cette boussole.

-- Donc tu pouvais savoir où il était dès hier après-midi ? raisonna Shijuga.

-- Tu semblais TELLEMENT vouloir y aller…