-- Franchement Arhon, tu devrais l'enlever cette armure, commença Kay. Je comprend que tu ais envie de la porter, montrer au monde ton talent de…comment déjà ?
-- Nécrarmurier, ensyllaba Arhon.
-- Oui, c'est ça. Mais je te rappelle que la dernière fois, deux collègues à toi nous sont tombés dessus pour la voler.
-- Et ils n'ont même pas eu la politesse de prévenir, poursuivi Shijuga. Heureusement qu'ils tiraient comme des pieds.
-- N'empêche qu'on a trouvé pas mal de trucs sur eux. Et ça, ça ne vous a pas dérangé ! répondit Arhon.
-- Hum, hum, tenta d'imiter Sac d'os. Je vous rappelle juste que pour avoir bonne conscience, vous faîtes dépouiller vos adversaires par un squelette.
-- C'était juste une mesure de protection ! Je sentais la maladie qui se dégageait des zombies à trois lieues ! répondit Kay.
-- Et de toute façon, on a du aller fouiller le repère des nécromanciens pour trouver vraiment quelque chose d'intéressant. Et tu n'as pas été le moins gâté, Arhon !!! reprit Shijuga.
-- Bon d'accord, je l'enlève ! Ca me permettra de tester une de mes modifications.
A l'action d'un mot bref, l'armure se rétracta sous les yeux ébahis des trois compères en une charnière osseuse qui suivait les bases des membres principaux : bassin, poitrine, bras et cou. Un autre mot jaillit et l'armure se rétracta complètement en une plaque osseuse ressemblant au Sternum.
-- Une armure rétractable !!! s'exclama Kay.
-- Comment est-ce possible ?!! rajouta Shijuga.
-- Le dragon était très vieux et ses os ont conservé un certain pouvoir. Bon, on y rentre dans cette auberge ? Les vigiles vont se demander ce qu'on fabrique dans cette ruelle…
Ils étaient arrivés à Syhernalla, ville titanesque car s'étendant des deux cotés de la montagne du milieu qui sépare le ponant de l'orient. Syhernalla : carrefour obligatoire de tout bon marchand qui se respecte. Ce sont les nains qui construisirent les fondations de la première cité avant qu'une guerre ne la réduise à l'état de ruine. Deux frères entrepreneurs construisirent de chaque coté de la montagne une cité où ils règneraient en maître. Une série de galeries reliait les deux villes.
La ville du coté du ponant s'appelait Krygna et se trouvait au bord du fleuve Orée, qui lui donnait un accès aisé. La ville du coté oriental se nommait Karnil et donnait accès à la vaste plaine du milieu après laquelle, selon les légendes elfes, se trouve leur berceau. La plaine est également le territoire des silènes et de leurs troupeaux et le moyen d'accès direct aux terres orientales.
Les deux cités prospérèrent mais quelques années seulement après l'Apparition, les deux frères se déclarèrent une guerre pour le contrôle des deux cités. Les deux villes furent détruites et ce n'est qu'à l'action du peuple silène que la ville fut reconstruite et prit le nom de Syhernalla. Un notable fut élu à la tête de la ville et ce sont ses deux fils qui prirent la relève, chacun dirigeant un coté de la ville. L'histoire se répète...
L'auberge portait bien son titre. Elle dégageait les mêmes odeurs de nourriture, boisson, fumée et sueur. Pour un peu, on y aurait reconnu des visages vus à plusieurs lieues de là sur la route.
-- Mais au fait Arhon, qu'est-ce que l'on fait là ? demanda Kay. On est arrivé de nuit et je ne reconnais pas la cité.
-- Nous sommes à Syhernalla et nous attendons quelqu'un.
-- Syhernalla ! Et tu nous as fait traverser de nuit ! On dit la cité magnifique, d'un coté comme de l'autre !
-- Je croyais que tu souhaitais que l'on passe inaperçu.
-- Et qui attendons-nous ? Encore une de tes connaissances douteuses qui va nous mener droit dans un piège ?
-- Assez de sarcasmes, nous attendons un messager. LE Messager.
-- Hein, LE Messager ?!
-- Excusez-moi, mais je ne crois pas avoir l'honneur de connaître cette personne, dit Shijuga.
-- Prenons une table, je t'expliquerai.
Arhon choisi une table au fond de la salle qui permettait de surveiller la porte d'entrée. Kay tenait absolument à parler de l'homme mystérieux.
-- Tu n'es pas sans savoir, Shijuga, que les silènes sont les meilleurs à la course. On pourrait presque dire qu'ils ont été conçus pour ça. Hé bien, LE Messager est le meilleur d'entre eux et fait parti de la caste des Messagers. On dit qu'il bat de 100 mètres un cheval sur une course d'une minute et…
-- …qu'il a le pouvoir de voler et qu'il est infatigable, poursuivit une voix derrière elle.
La personne qui se trouvait derrière elle n'était pas imposante sauf si l'on prenait le temps de descendre au niveau des cuisses qu'elle avait énormes. Elle était revêtue de cuir et portait des anneaux en métal autour des poignets et des chevilles.
-- Puis-je m'asseoir ? proposa la personne. Je suis celui que vous attendiez.
-- Je n'en doute pas, répondit Kay.
-- Dis-moi, qu'elles sont les nouvelles ? L'a t-on retrouvée ? demanda Arhon.
-- Oui et c'est la raison pour laquelle on a besoin de tes compétences. Mais attend, je commande une chopine. C'est un groupe de demi elfes qui la détient. On pourrait y aller mais nous sommes tous débordés avec les évènements qui se sont déroulés. Il faut préparer le terrain pour l'accueil.
-- Je vois ! Et où se trouve ce groupe ?
-- Près de la forêt de Lariande, dans les tristes collines où vivent les métamorphes.
-- Je ne connais pas cette race de monstres. Pouvez-vous m'en dire plus ? demanda Kay.
-- Ce ne sont pas des monstres, ce sont des humains…d'un genre particulier, répondit LE Messager. Ils ont la faculté de se transformer en un mélange d'homme et d'animal et chaque homme de la tribu possède une transformation différente. Ils ne sont généralement pas agressifs.
-- Bon, nous irons. Tu feras bien un bout de route avec nous ?
-- Oui, je vous quitterai à l'Assemblée. Il faut que je prépare les gens à déménager.
-- Pardonnez-moi si je ne comprends pas un traître mot de ce que vous dites. J'espère au moins que l'endroit est joli.
-- Excusez-nous, mais nous avons un serment qui nous interdit de révéler le secret qui nous lie. Avez-vous déjà réservé une chambre ?
-- Nous n'en avons pas eu le temps.
-- Alors, laissez-moi vous inviter. Nous partirons tous demain à l'aube. Ce sera alors plus facile de se réunir et les lits seront certainement plus confortables qu'à l'auberge.
-- C'est d'accord pour moi, répondit Arhon.
-- Je n'y vois pas d'inconvénient, ajouta Shijuga.
-- Allons-y, finit Kay.
Ils sortirent de l'auberge et se dirigèrent vers les habitations construites à flanc de montagne. LE Messager les conduisait parmi des rues et des ruelles, leur offrant le spectacle d'une magnifique Syhernalla nocturne.
Ce furent les défenses toujours en éveil de Shijuga qui le sauvèrent. Il sentit plus qu'il entendit les projectiles. Il se retourna prestement et détourna les trois projectiles argentés de sa lame.
-- Là ! Ils sont deux, cria t-il à l'attention de ses compagnons tandis qu'il se dirigeait vers l'un des deux.
Le Messager, fidèle à sa réputation, approchait déjà le second. Le combat fut bref car l'assaillant se donna la mort, ne pouvant échapper au silène. Shijuga par contre, revint très vite avec le premier. Ils purent tous constater qu'il ne lui avait laissé aucune chance.
-- Il n'aura pas l'occasion de se suicider, dit-il en guise de toute réponse.
-- Je te l'avais bien dit que ton armure nous apporterait encore des ennuis, dit Kay.
-- Rabat-joie !
-- C'est pour moi qu'ils sont venus, dit Shijuga. Et on va vite savoir pourquoi.
-- Attendez d'abord d'arriver chez moi.
-- Et qu'est-ce qui te dit que tu étais la cible ? demanda Kay.
-- As-tu déjà vu une arme comme celle-là ? répondit Shijuga en montrant l'un des projectiles de forme effilée. Puis il continua devant l'aspect étonné de l'intéressé : "c'est une arme qui vient de mon pays et qui est spécialement employée par les assassins".
-- Elle n'est pas très impressionnante.
-- Elle sert essentiellement de canalisateur à notre pouvoir.
-- Notre pouvoir ?!! Tu fais partie de cette caste ?
-- Personne n'est parfait. Je vous dirais tout plus tard.
Quelques minutes plus tard, ils arrivèrent devant le portail de la propriété du Messager. Un portail très haut, en bronze et décoré de motifs représentant des chevaux. Une fois ouvert, une immense propriété s'offrait à eux.
-- Je ne savais pas que la prêtrise rapportait autant ? se moqua Arhon.
-- Je vois que ton humour n'a pas changé avec les décennies.
-- Dis donc Arhon, commença Kay, tu ne connaîtrais pas non plus l'homme le plus riche du monde ? J'ai quelques achats en tête.
-- Non, mais je connais son créancier.
Ils s'installèrent dans la demeure et se groupèrent autour de la cheminée afin d'entendre l'histoire de Shijuga. Celui-ci les rejoignit après avoir interrogé le prisonnier.
-- Il a réussit à te dire quelque chose malgré l'état dans lequel tu l'as mis ? demanda Arhon.
-- On trouve toujours un moyen de discuter entre vieux amis…
-- Au fait, où vas-tu donc le loger ton invité ? demanda Arhon au Messager. Ce fut Shijuga qui répondit: "Une tombe lui suffira." Et devant l'air offusqué de Kay : "Il a choisi la mort plutôt que d'annoncer à son maître son échec. Bon, j'espère que vous êtes bien installés, je vais commencer mon histoire. Je ne suis pas conteur, ne vous attendez donc pas à une merveille."
-- Vous n'êtes pas sans savoir que je viens de l'Orient, ce serait dur autrement. Il vous faut savoir que là-bas, notre vie est basée sur l'honneur et que nous attachons notamment cet honneur à notre famille. Il existe plusieurs familles plus ou moins puissantes et nous suivons une hiérarchie assez stricte. Cela ressemble un peu aux cités état sauf que nos familles s'étendent sur tout notre territoire. On ne dirige pas seulement une région, chaque famille s'est au fil du temps spécialisée. La famille dont je faisais partie est spécialisée dans la diplomatie et le renseignement. Voilà le décor planté, des questions ?"
-- Tu as parlé de ta famille comme si tu n'en faisais pas partie ? demanda Kay.
-- En m'exilant, j'ai renoncé à tout droit sur ma famille selon les lois de mon pays.
-- Et où as-tu appris le combat si ta famille traite de diplomatie et de renseignement ?
-- La diplomatie et le renseignement ont des faces claires et des faces obscures. Certaines choses doivent être faites ou préparées qui ne peuvent être résolues par les bureaucrates. Mais vous y verrez plus clair tout à l'heure…Puis-je continuer ?
-- Je t'en prie, dit Arhon.
-- Je fus un élève très doué et ce n'est pas de l'orgueil. J'appris très vite les techniques les plus essentielles mais ne montait pas de grade. On compte surtout sur l'expérience dans ma famille et je n'en avais pas beaucoup. J'en était là et promis à un brillant avenir jusqu'à ce qu'on me propose un contrat que je ne pouvais refuser. Des diplomates étaient arrivés dans notre 'château' et on me demanda d'assassiner l'un d'eux de façon à ce qu'on puisse accuser le diplomate d'une autre famille. L'ordre venait d'une des personnes les plus hautes de ma famille et c'était l'occasion de faire mes galons. Les gardes fournis par la famille étaient dans la confidence et le travail fut facile bien qu'effectué dans le noir. Plus tard, cette personne m'annonça que je devais partir car le meurtre ferait des remous. On désigna quatre autres personnes pour le départ, histoire de faire diversion. Mon départ devait durer cinq ans, mais j'ai bien aimé voyager et cela fait maintenant dix ans que dure mon exil."
-- hé ben, on en apprend des choses…lança Kay.
-- Je n'ai pas fini. L'histoire reprend ce soir avec l'apparition des deux assassins. Quelqu'un de là-bas veut me voir mort et peu de monde était au courant. De plus, les deux personnes qui nous ont attaqués faisaient parti des quatre qui m'ont accompagnés. Je ne sais pas si je dois y retourner pour tirer tout ça au clair…
-- Quelque soit ta décision, nous t'accompagnerons. J'ai très envie de visiter ton pays, dit Arhon.
-- N'oublie pas que le nécromanciens sont très mal vus par chez moi. On ne joue pas avec les ancêtres.
-- Je me retiendrai, par contre il faudra trouver quelque chose pour Sac d'os.
-- On n'est pas encore parti. Je crois qu'on a une mission qui nous attend d'abord.
-- Oui, c'est vrai. Mais une fois cette mission accomplie, nous serons à mi-chemin de Syhernalla et de ton pays. Tu prendras ta décision à ce moment là.
-- C'est d'accord.
-- Bon, nous partons demain matin alors je vous conseille de prendre du repos car la route sera longue et peu mouvementée. Une grande plaine s'étend depuis Syhernalla jusqu'aux montagnes de l'Orient et mis à part quelques forêts et la forêt des elfes, il n'y a pas grand chose à voir.
-- Tu ne disais pas ça il y a quelques décennies.
-- Ils pourront juger d'eux même.